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l'empire du milieu de rien
8 avril 2010

1er mai 2010 : Petit flash-back

 

Sur les archives de la presse anar (en lien)

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LE LIBERTAIRE N°5 (MAI 1945)

1er mai : jour de revendications et de lutte

lundi 22 février 2010

Au moment où les mandarins du syndicalisme se préparent à saboter le premier mai, il est bon de rappeler aux jeunes camarades l’origine de ce jour de lutte et de revendications ouvrières contre leurs exploiteurs.

La propagande pour la journée de huit heures fut le point de départ des événements de Chicago. On peut dater de 1832, année où se déclencha une grève en faveur de la journée de dix heures, le début du mouvement. Mais ce ne fut que le 20 août 1866, au congrès de Baltimore, que les travailleurs abandonnèrent les partis bourgeois pour créer le parti ouvrier, et une de leurs premières revendications fut la diminution des heures de travail ; ce ne fut qu’en 1884 que la Fédération des Travailleurs des États-Unis et du Canada décida de faire la première grève pour obtenir la journée de huit heures.

Le premier mai 1886, sur 110.000 ouvriers qui se mirent en grève, plus de la moitié obtinrent une réduction de la journée de travail ; quant aux autres, ils se virent accorder des avantages appréciables. Ce fut, ensuite, la tragédie de Chicago où le capitalisme américain montra sa férocité.

Le 16 février 1887, un conflit s’étant élevé dans l’usine Mac Cormick, laissant 1.200 ouvriers sans aucune ressource, une réunion eut lieu. Les camarades Parsons et Schwab protestèrent tout d’abord contre la venue de 400 policiers armés et de 300 policiers privés, armés également ; dès lors, tous les jours, il y eut des collisions entre les « défenseurs de l’ordre » et les travailleurs.

Le 3 mai, les ouvriers rassemblés devant l’usine Mac Cormick furent mitraillés à bout portant par l’ignoble police privée, et ceci sans raison aucune. Le lendemain de ce massacre, les camarades Parsons et Spies publièrent dans leur journal l’appel suivant :

« La guerre de classe est commencée ; des ouvriers ont été fusillés devant l’établissement Mac Cormick, leur sang crie : Vengeance ! Le doute n’est plus possible : les bêtes fauves qui nous gouvernent sont avides du sang des travailleurs, mais ceux-ci ne sont pas du bétail d’abattoir ; à la terreur blanche nous répondrons par la terreur rouge. Mieux vaut mourir que vivre dans la misère !

Puisqu’on nous mitraille, répondons de manière que nos maîtres en gardent longtemps le souvenir. La situation nous fait un devoir de prendre les armes ! Hier soir, pendant que les femmes et les enfants pleuraient leurs maris et leurs pères tombés sous les balles des assassins, les riches emplissaient leurs verres à la santé des bandits de l’ordre social. Séchez vos larmes, femmes et enfants ! Esclaves, haut les cœurs ! Vive l’insurrection ! »

Le jour suivant, 15.000 ouvriers se rendirent au meeting de protestation sur la place de Hay Market. Au moment où il prenait fin, une bombe tomba au milieu de la police, tuant sept gendarmes et en blessant une soixantaine. Ensuite, la bataille s’engagea entre les policiers et le peuple ; mais la lutte était inégale et, une fois de plus, les ouvriers durent céder devant les chiens de garde du capital. Les autorités prirent prétexte des gendarmes tués pour arrêter les camarades les plus connus du mouvement ouvrier et ce fut le jugement inique. Les compagnons : Auguste Spies, Samuel Fielden, Michel Schwab, Louis Lingg, Adolph Fischer, Georges Engel, Albert Parsons, furent condamnés à être pendus sur une place publique, et Oscar Neebe à quinze ans de pénitencier.

C’est pour commémorer ces événements que, en 1889, au congrès international réuni à Paris, les associations ouvrières décidèrent d’une date fixe annuelle où, dans le monde entier, les prolétaires exprimeraient leurs revendications en cessant le travail et en manifestant. Le jour choisi fut le premier mai.

En France, le premier mai le plus marquant fut d’abord celui de 1890, à Vienne. Les camarades anarchistes qui étaient à la tête du syndicat du Textile décidèrent de donner à ce jour un caractère vraiment revendicatif. À la sortie du meeting où notre camarade Louise Michel avait pris la parole, des collisions se produisirent entre manifestants et policiers. La foule ouvrière se porta sur le quartier des usines et ce fut l’assaut des magasins de drap de la fabrique Brocard : le magasin fut envahi et les tissus de drap furent attribués à ceux qui n’avaient pas de quoi s’habiller. Par la suite, le camarade Pierre Martin, qui revendiqua pour lui seul toutes les responsabilités, fut condamné à trois ans de prison.

En 1891, à Clichy, il y eut une grande manifestation de rue où la police fit encore des siennes en tapant a tour de bras sur les hommes et les femmes ; une quinzaine de compagnons entrèrent dans un café, mais celui-ci fut envahi par les agents et la bagarre continua. Les uns se défendirent avec des revolvers, les autres avec leurs couteaux ou des tabourets. Trois ouvriers blessés tombèrent au pouvoir des agents et passèrent en jugement quatre mois après. Léveillé fut acquitté ; Dardare condamné à trois ans de prison et Descamps à cinq ans.

Le même jour, ce fut la fusillade de Fourmies. Les ouvriers d’une usine importante étaient en grève depuis le mois d’août. Dans la matinée, les grévistes tinrent une réunion pour inviter une autre usine à cesser le travail ; ils s’y dirigèrent et se trouvèrent en face d’un peloton de gendarmerie qui les chargea immédiatement et huit ouvriers furent arrêtés. La colère gronda dans la ville et une foule houleuse marcha sur la mairie pour réclamer les prisonniers. Mais un bataillon du 145e de ligne retint les manifestants. Tout se serait bien passé si une brute, le commandant Chapuis, perdant la tête, n’avait commandé le feu. Cette tuerie fit 10 morts et plus de 80 personnes furent blessés.

En 1906, la C.G.T. prit nettement position en déclarant :

« À partir du premier mai 1906, nous ne travaillerons que huit heures par jour. »

Ce fut, pour la bourgeoisie, une véritable panique ; les magasins d’alimentation furent dévalisés par les consommateurs effrayés et Paris fut en partie déserté. Ceux qui ne purent partir se terrèrent dans leurs caves. Le gouvernement procéda à l’arrestation de nombreux militants, ce qui n’empêcha pas que la grève fut totale et que la classe ouvrière manifesta dans la rue. Là aussi il fut déploré des collisions sanglantes. Mais le sort en était jeté : le premier mai, chaque année, devait être le jour symbolique de la lutte de classe et non « fête du travail », comme certains fatigués veulent nous le faire entendre. Le syndicalisme de cette époque affirmait sa tendance révolutionnaire et sa méfiance contre les endormeurs de la politique, ainsi qu’en témoigne la charte d’Amiens, qui date de la même année.

Jusqu’à 1914, nous assistons à des premiers mai nettement lutte de classe, puis ce fut le reniement des responsables de la C.G.T. qui, pendant cinq ans, se sont vautrés dans la démagogie nationaliste ; ensuite, ce fut le premier mai 1919. Il fut, en France et à Paris en particulier, le plus puissant. On peut dire que le chômage fut total. La guerre qui venait de se terminer avait laissé dans le cœur du prolétariat des ferments de colère et de haine contre la guerre et ses responsables. Le syndicalisme, grâce à une minorité agissante, groupait sous son égide la volonté des travailleurs en révolte.

Le gouvernement du fameux Clemenceau ayant interdit toute manifestation sur la voie publique, les travailleurs déferlèrent néanmoins en flots compacts à travers les rangs des soldats avec lesquels ils fraternisaient. De la Madeleine à la Concorde, les manifestants se battirent avec les fameuses brigades centrales. Rues Louis-le-Grand et de la Michodière, les agents et les gardes se ruèrent sauvagement sur les manifestants armés de sabre et de matraque. Des coups de revolver furent tirés. C’est là que fut tué le jeune Lorne, du syndicat des électriciens. Il y eut de nombreux blessés de part et d’autre. Nous pouvons dire que ce fut une victoire pour la classe ouvrière, car c’est grâce à l’énergie qu’elle montra ce jour-là qu’elle obtint la journée de huit heures.

Les autres premiers mai furent plutôt ternes jusqu’en 1936 où les politiciens marrons du Front populaire endormirent une fois de plus la classe ouvrière qui venait de faire son unité.

Il ne fallait pas gêner les élections et assurer le succès des candidats du Front populaire en ballottage. C’est pourquoi cette grève ne fut que figurative et que l’on vit certaines administrations autoriser les fonctionnaires à chômer en demandant une permission. Drôle de façon de revendiquer ses droits.

Puis vinrent les premiers mai de guerre qui, sous l’égide de Pétain, furent déclarés « fêtes du travail ».

Nous voici au premier mai 1945. Que sera celui-ci ? Espérons, sans trop y croire, que, cette année, les ouvriers se ressaisiront et seront tous solidaires dans la lutte qui les conduira à l’avènement d’une société nouvelle et à l’affranchissement total du prolétariat.

 

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